Objectifs :
Les recherches sur la tenue des isolants du Génie Electrique font partie des activités historiques au Laboratoire et dans le groupe DSF. Les recherches en cours dans l’équipe portent pour une partie sur les phénomènes de vieillissement des matériaux sous contrainte thermoélectrique et pour une autre sur les phénomènes de chargement et de transport dans les isolants en lien en particulier avec les systèmes de transport d’énergie haute tension continue -HTCC. Dans les deux domaines, l’activité est à forte composante expérimentale, au travers de méthodes pour la plupart développées dans le groupe. Les matériaux étudiés sont issus de partenariat ou collaborations.
Matériaux sous contrainte HVDC :
L’action se développe dans un contexte où les liaisons sous contrainte HTCC sont en fort développement, en lien avec l’intégration de sources d’énergie renouvelable, le besoin de renforcer et interconnecter les réseaux et l’introduction de nouvelles technologies de convertisseurs. La réalisation de liaisons par câbles enfouis ou sous-marins pose le problème de la tenue des isolants sous contrainte électrique-thermique combinée, avec des distributions de champ difficiles à anticiper et variables dans le temps.
Dans ce contexte, des simulations de la distribution de champ sont effectuées par modèle FEM (cf. socle modélisation), nourris par un ensemble de caractérisations de la conductivité fonction du champ et de la température, comme entrées aux modèles, et par charge d’espace sur câbles ou échantillons plans comme vérification en sortie. Les assemblages de diélectriques et les phénomènes aux interfaces qui en résultent (présents notamment dans les accessoires tels que jonctions et terminaisons de câbles) constituent des points critiques qui sont étudiés.
Des critères d’évaluation des matériaux vis-à-vis du comportement en charge d’espace sont proposés et des stratégies pour tenter limiter les phénomènes d’accumulation de charges sont mises en œuvre (collaboration avec équipe SCIPRA).
Exemple de cartographie de densité de charge (échelle de couleur en C/m³) sur du Polyethylene réticulé au cours de cycles de charge/décharge avec des champs appliqués de 10 à 40kV/mm avec inversion de polarité au dernier échelon.
Le vieillissement sous contrainte DC impliquant des remises à zéro et des inversions de polarité est également étudié sur des câbles modèles, en menant simultanément des mesures de charge d’espace sous des contraintes jusqu’à +/- 100kVdc. Ces données sont mises en rapport à des données sur la conductivité et sur des caractérisations par des moyens classiques (FTIR, TGA, DMTA).
La transmission d’énergie sous contrainte CC se développe également dans le domaine aéronautique, pour répondre à des problématiques de compacité. Les questionnements relèvent des éventuelles nouvelles formes de défaillance des isolations sous contrainte combinée (dépressurisation, haute température, gradients thermiques…). Les approches développées plus haut peuvent être transposées à diverses situations ou des contraintes continues sont appliquées, avec cependant des différences majeures sur les technologies de câbles : absence d’écran semi-conducteur, présence de multicouches diélectriques, de vides, excursions en haute température, qui rendent les mesures plus délicates.
Nous mettons également en œuvre des outils pour la caractérisation de matériaux de condensateurs, que ce soit par charge d’espace (méthode LIMM) ou par spectroscopie de pièges (courants thermostimulés, photo-décharge stimulée).
Diagnostic du vieillissement d’isolants :
Nous traitons ici des phénomènes irréversibles liés aux contraintes électriques et plus généralement environnementales. Notre apport est de contribuer à la fiabilité des systèmes intégrant des isolants par une approche « matériau », en répondant à des problématiques telles que la définition de régimes de contrainte critiques (limites d’utilisation), l’évaluation de l’état de l’isolation ou la prévision de l’évolution des propriétés dans le temps. Les actions entreprises portent sur le développement d’outils de diagnostic acoustiques, optiques, électriques, mécaniques… pour mettre en évidence et rendre compte des évolutions irréversibles des matériaux dans leurs conditions d’utilisation, et pour proposer des protocoles pour évaluer leur stade de vieillissement.
Les diagnostics mis en place s’appuient par exemple sur des mesures de luminescence : l’objectif est d’identifier parmi les signatures optiques présentes sous une excitation donnée (la luminescence peut être excitée par application d’un champ électrique, d’un rayonnement UV, l’interaction avec une décharge, etc…) celles pouvant représenter un vieillissement des matériaux. Nous nous intéressons en particulier à l’impact de porteurs énergétiques ou d’une contrainte mécanique sur l’intégrité du matériau sur la base des émissions optiques, et recherchons les équivalences qui peuvent être faites avec une contrainte électrique. Des bancs de mesure évolutifs sont disponibles, et la luminescence sous faisceau d’électrons ou sous contrainte mécanique peut désormais être étudiée.
Enceinte de mesure de luminescence
Dans un registre applicatif, le facteur vieillissement thermique est particulièrement regardé. L’amélioration de l’efficacité énergétique, impliquant une compacification et des températures de fonctionnement accrues des modules ou la montée en puissance de l’électrification (actionneurs, propulsion) en aéronautique sont des drivers pour des matériaux à haute tenue thermique.
Des travaux en collaboration avec l’équipe MDCE ont ainsi porté sur la résistance aux décharges partielles de vernis d’imprégnation de bobinages et l’amélioration de la tenue en incorporant des matériaux d’imprégnation nanochargés. Récemment, des bancs expérimentaux ont été développés pour suivre le vieillissement haute température (260°C) de câbles aéronautiques de forte puissance (de l’ordre de 1000kVA) et évaluer différentes technologies de câbles (rubanné vs extrudé) dans ces conditions.